Pay, you must pay for your crimes against the earth • Amadeo & Serguey
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Pay, you must pay for your crimes against the earth • Amadeo & Serguey

@ Serguey Kazanov

Serguey Kazanov
WENDIGO
Messages : 46
Date d'inscription : 25/02/2024
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Dim 24 Mar 2024 - 21:30
« Bordel Lyuba, qu'est-ce que ta chaussette puante fout ENCORE dans ma poche de manteau ?! »
Il l'entend vaguement protester quelque chose depuis la salle de bain, visiblement davantage occupée à trier ses gels pailletés qu'à s'occuper du problème rencontré dans l'entrée de leur appartement.
Le poing du Russe se referme sur la dite chaussette - et le pauvre Raspoutine se retrouve éjecté dans le canapé, d'où il vocifère son mécontentement après avoir repris ses esprits. Furet de l'enfer. Au moins, Bijou ne se fourre pas dans toutes ses vestes et ne fait pas des apparitions impromptues lorsqu'il est avec un client endeuillé, au salon funéraire. Raspoutine, en revanche, ne possède aucun savoir-vivre.
Un peu comme Lyuba, finalement, probablement occupée à répandre ses diverses poudres brillantes sur ses rasoirs et gels capillaires. Ah, la joie du mariage et de la vie conjugale…

La voilà qui déboule hors de la salle d'eau, poings sur les hanches - furieuse peut-être ? Difficile à déterminer, tant l'énergie tourbillonne en elle, à toute heure du jour et de la nuit. Vertigineuse, Lyuba. Serguey se contente de désigner l'animal d'un coup de menton avant qu'elle ne lui passe un savon.
« Ça va, détente, il va bien ton ragondin… »
« C'est un FURET ! »
« T'es sûre ? On dirait plutôt une éponge qu'on aurait trop laissée traîner sur l'évier, croisée avec un gant de toilette réservé à torcher des culs en EPHAD, ton machin ! »
Il se baisse juste à temps pour éviter d'être sur la trajectoire de l'objet non-identifié qu'elle lui lance à la figure. En réalité, il aurait simplement pu quitter l'appartement comme un prince et clore ainsi la discussion, mais il préfère s'attarder quelques instants. Pour laisser tomber le masque et, la figure plus grave, lui annoncer.
« Bon. Je vais me dégourdir les guiboles. Seul. Je vais rentrer tard. »
Et par se dégourdir les guiboles, alors que le l'astre solaire avait décliné depuis longtemps derrière l'horizon, elle savait qu'il n'insinuait pas qu'il partait à la cueillette aux champignons.

L'air frais de la fin de l'hiver le revigore aussitôt. Après plusieurs dizaines de kilomètres d'asphalte avalées, il foule enfin la terre d'un des chemins de randonnée dont il a identifié l'emplacement, au fil des années. Tout comme de cette souche légèrement surélevée sur laquelle il abandonne ses vêtements, soigneusement pliés. Les yeux plissés, parfaitement nu, il hume l'air. Personne ne s'aventurait jamais sur cette parcelle de sentier à cette période de l'année, enlisée sous la neige. Au-delà des balises indiquant le commencement du chemin, un œil non-initié se heurtait vite à l'épais manteau blanc qui recouvrait le sol et les bases des troncs. Mais l'homme avait ses repères. Et il s'aventurait rarement au-delà de la zone qu'il connaissait, des odeurs qu'il repérait et marquait à chacun de ses passages, d'une piste qu'il balisait pour lui seul, lorsque, comme cette nuit, l'envie de courir sous sa forme bestiale le grattait sous la peau.

Par chance, la Faim ne le tiraillait pas suffisamment pour le pousser à commettre l'irréparable. Même si elle ne le quittait jamais. Sa dernière escapade hors de Vancouver, à la recherche d'un malheureux à faucher, ne remontait qu'à quelques semaines. Il pouvait encore tenir. Pourtant, cette nuit, quelque chose l'appelait. Plutôt, cette chose qui grandissait en lui et ne demandait qu'à s'exprimer, poussait contre sa peau, sous son derme. Il y avait des nuits où la monstruosité le démangeait, mais pas nécessairement cette parcelle qu'il n'avait de cesse de repousser. Plutôt… cet élan de sauvage liberté. Cette envie d'arracher le masque et de laisser tomber les obligations de la vie citadine, mortelle. Humaine, trop humaine. Des conventions dont il désire parfois ardemment s'affranchir.

Mais, toujours, le danger planait.
Celui de se perdre en lui-même, s'oublier, devenir cette atrocité tapie au fond de lui.
Non. Jamais !

Il contrôle sa Faim. Il contrôle la créature dont il embrasse la forme. Il demeure éternellement surpris de la facilité avec laquelle il abandonne son apparence humaine pour revêtir celle de la bête. La première fois, terrorisé, il avait cru que cela serait douloureux. Que les os se briseraient, que la peau se déchirerait. Il n'en était rien. La transformation était un glissement, un étirement tout au plus. Une évidence. Et peut-être que cela l'effrayait encore davantage, tant l'opération était naturelle.
Il aurait préféré souffrir. Se haïr encore plus.

Comme s'il n'était pas déjà suffisamment grand, il gagne encore quelques dizaines de centimètres. Il a toujours cette impression paradoxale de perdre en muscles, alors qu'il gagne en puissance et en taille. C'était ridicule. Qu'importe. Il n'est pas venu pour réfléchir. Au contraire. Il s'élance. Créature décharnée, chimère aux bois proéminents, il fonce à travers les bois, creuse un sillon terrifiant dans la neige, s'enfonce dans la pénombre, à l'écoute de son environnement. L'orée de la forêt bruisse de sa vie nocturne, sans trace humaine à portée. Il y veille, éternellement écrasé par la peur de s'en prendre à un innocent qui se trouverait sur son chemin. Garde le contrôle. Bercé par l'illusion qu'il parvient à maîtriser cette variable, il fend l'air, son haleine putride perturbant l'atmosphère glaciale tandis que ses pattes s'enfoncent dans la neige.

Créature maudite, il court inlassablement, espérant échapper à la Faim éternelle qui l'éventre, peut-être la semer à tout jamais, tant il met d'ardeur à sa course effrénée.
Les traces laissées dans la neige déforment la quiétude des lieux et dénoncent la présence du monstre. Tout comme les murmures des oiseaux de nuit qui assistent à ce troublant spectacle, méfiants.
Mais lui, il court, sans se retourner, pour se fuir lui-même.
Comme si cela suffirait à oublier les crimes et le châtiment.
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