The Price of Time - Jade & Ginevra
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The Price of Time - Jade & Ginevra

@ Ginevra Visconti

Ginevra Visconti
CATALYSEUR
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Mer 28 Fév 2024 - 0:41
04 Février 2024


Peu de choses gardaient réellement la même valeur avec le temps. C’était d’autant plus vrai pour les œuvres d’art. Le temps faisait irrémédiablement son passage et, peu importe à quel point on tenait à l’objet, il finissait toujours par perdre de sa superbe.  Rien n’était réellement irréversible avec un peu d’effort, mais c’était un constat quelque peu amer et bien trop réel pour Ginevra. Le temps passait, inlassablement. En cette époque d’instantanée, un tableau prenait trop de temps. Passer six heures à prendre une pose ? Pas besoin. Une pression sur un bouton et l’immortalité de l’instant présent était à portée de main pour n’importe qui. La technologie était prodigieuse, mais l’alchimiste avait le sentiment qu’on perdait quelque chose à toujours vouloir gagner du temps. Comme si tout était devenu une course pourtant perdue d’avance. Rien ne pouvait vaincre le temps, après tout.

Elle avait remarqué les très légères craquelures dernièrement et avait décroché le tableau avec un sentiment qu’elle n’avait pas ressenti depuis longtemps. Observer sa famille et elle-même, tels qu’ils étaient tous il y plus de deux cents ans, crispa sa poitrine. Elle passait pourtant souvent devant ce tableau installé dans sa bibliothèque, mais elle n’y faisait plus vraiment attention, à force. Difficile de dire pourquoi, ce jour-là, elle avait tourné le regard dans sa direction et perçut les affres du temps qu’elle n’avait jusque-là pas décelés, mais le tableau reposait désormais sur un chevalet et elle l’examina minutieusement pour déceler à quel point il avait besoin d’aide. Elle soupira en passant son regard sur son propre visage à l’expression presque innocente, alors qu’elle n’avait pas encore la charge de la pierre. Comme elle semblait différente, à l’époque. On aurait pu presque voir ses yeux briller, curieuse et insouciante qu’elle était alors.

C’était il y a si longtemps. Elle doutait de se souvenir des visages de ses parents si ce tableau n’était pas là pour les lui rappeler. Leurs voix ne parvenaient déjà plus jusqu’à elle, même lorsqu’elle se perdait dans sa mémoire et perdait la notion du temps. Elle avait oublié tant de choses de cette époque, elle refusait que ce tableau, pourtant si anodin à sa création, lui soit enlevé, lui aussi. Elle s’arracha à la contemplation d’un passé lointain pour se concentrer sur la tâche présente. Durant ses longues années de recherches et de voyages, elle avait rencontré bien des individus. Parfois de bonnes rencontres. Parfois des moins bonnes. Et parfois, le genre de rencontre qui offrait quelque chose qu’on n’imaginait même pas.

Elle avait rencontré Carmen alors qu’elle étudiait sur la côte Ouest des Etats-Unis. Le mouvement hippie était à son apogée en cette année 1967 et San Francisco était un épicentre de la musique et du mouvement. Ginevra était très loin de tout ça, déjà à l’époque. Elle avait dans l’optique d’obtenir un important diplôme pour pouvoir tester sa théorie sur l’uranium et, clairement, les hippies la laissait complètement indifférente. Non pas que leurs idées ne l’intéressaient pas, mais elle avait vraiment autre chose en tête à cette époque. Tomber sur Carmen releva davantage du hasard que de toute autre chose, mais elle se souvient nettement d’une galerie d’art et d‘une discussion dont le sujet lui échappait aujourd’hui.  Elles n’étaient pas assez proches pour être qualifiées d’amies, mais Ginevra profita des talents de peintre de Carmen pour rénover une vieille toile qui avait laissé la peintre bouche bée quand elle la lui avait confiée. Une antique pièce de Tiziano que sa famille possédait depuis sa création et qu’elle avait mise en lieu sûr après le début de la guerre, comme tout un tas d’autres œuvres supposément perdues dans ces terribles années. Vu la petite fortune offerte à Carmen en échange de son travail et de son silence, personne n’en sut jamais rien, et leur collaboration, aussi brève que productive, s’arrêta là.

Jusqu’à ce que, par une étrange coïncidence qui n’en était pas vraiment une, elle ne la recroise, trente ans plus tard, en plein milieu de l’Europe. Si Ginevra fut stupéfaite de voir Carmen aussi jeune que la dernière fois, l’inverse n’était pas vrai et s’ensuivit une discussion fort intéressante où un parfait quiproquo évita à l’alchimiste de mettre en péril sa couverture et sa mission. Carmen l’avait prise pour une vampire, admettant par là même sa propre nature. Ginevra opta pour une semi-vérité, affirmant avoir été maudite plutôt qu’avouer qu’elle gardait un artefact si puissant que la pierre philosophale. Les deux immortelles se mirent à discuter et à échanger. Ginevra était la plus ancienne des deux et elle écouta avec une certaine nostalgie la façon dont Carmen parlait de ses premières décennies de vie sans fin. La solitude et la motivation manquante n’avait pas encore fait leur chemin dans l’esprit de la vampire et touchaient à peine celui de l’Alchimiste, à l’époque et la curiosité des deux ne fut pas vraiment satisfaite d’une seule discussion. Ni même d’une dizaine. Elles passèrent quelques temps dans les parages l’une de l’autre, chacune menant sa vie tout en se réunissant régulièrement en observant le monde évoluer.

Lorsqu’il fut temps pour elles de se séparer, Carmen donna un genre de téléphone à Ginevra, avec pour seul objectif celui de noter l’endroit où elle vivait et elle en ferait de même. Puis elle se séparèrent pendant encore une vingtaine d’années avant que les voyages de Ginevra ne l’amènent à nouveau près de la vampire. Vancouver étai une destination étrange, mais à son arrivée, l’Alchimiste pris le temps de renouer contact avec la vampire. Cette dernière semblait toujours la même, même si un changement était indéniable. Il y avait un sourire qui ne trompait guère et l’Alchimiste, pensant bien faire, s’éloigna pour la laisser gouter au bonheur qu’elle-même n’avait jamais connu et qu’elle doutait de connaître un jour. Plus de cinq années s’étaient écoulées depuis. Loin des trentes années entre la première et la deuxième rencontre, mais elles ne vivaient pas dans même ville à l’époque. Elle lui avait laissé de l’espace pendant cinq ans. San doute que se rappeler à son bon souvenir maintenant n’était pas trop tôt.

Alors en sonnant chez Carmen, ce soir-là, sa requête en tête, une jolie somme cachée sous son manteau et une bouteille d’un cru dont elle n’était même plus certaine de la provenance à la main, elle n’imaginait pas s’attarder au-delà du raisonnable. Carmen ne l’avait pas contacté, donc sans doute qu’elle nageait dans un bonheur doux et sain. Elle le lui souhaitait en tout cas.
Lorsque la porte s’ouvrit, elle leva la tête, mais ce ne fut nullement Carmen qui se présenta dans l’embrasure. Une jeune femme dont elle n’avait jamais vu le visage se tenait là et la connexion se fit rapidement dans l’esprit de Ginevra. Elle avait noté son attirance pour la gente féminine, déjà à l’époque, dont elle devait être celle qui avait dessiné ce sourire sur le visage de l’Eternelle. Une vampire également ? Sans doute. Cela importait peu.

- Bonsoir. Je suis Ginevra, je viens voir Carmen, si elle est là. J’ai une proposition pour elle.

Après seulement cinq ans, elle doutait que Carmen ne soit pas disposée à la voir. Elles se connaissaient depuis près de sept décennies. Cinq ans, ce n’était pas grand-chose.
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@ Jade Fletcher

Jade Fletcher
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Jeu 29 Fév 2024 - 20:58

The Price of Time

feat. Ginevra Visconti
Rien n’a changé, en presque six ans. De la disposition des meubles de l’atelier à la dictature du Cercle, tout est resté figé dans le temps depuis sa disparition. Toi aussi, d’ailleurs. On aurait pu prendre une photo aujourd’hui et une autre une demi-douzaine d’années plus tôt, on aurait pu faire croire à n’importe qui qu’elles n’avaient qu’une nuit d’intervalle. Les seuls détails différents : une coupe de cheveux et la perte d’un sourire. Il est pourtant là, tout autour de toi sur les carnets et les toiles que tu n’as jamais osé toucher si ce n’est pour les dépoussiérer, mais sans la main qui tient le pinceau ils n’ont plus trouvé de raison d’être.
Ca te déchire le cœur de penser que tu l’as perdue depuis plus longtemps que tu l’as connue, maintenant. La cruauté du temps est qu’il ne compte pas : seule sa perception compte. Une année devient une seconde, et toutes les secondes d’après deviennent des années.

Le quotidien s’est depuis longtemps réinstallé. Se lever au crépuscule, te préparer et partir travailler au Succubus, revenir et profiter du reste de la nuit pour vaquer à d’inconséquentes occupations. Revenir au bar, à l’époque, a été difficile mais K a insisté pour que tu reprennes ton poste plutôt que de te laisser aller au fatalisme. Il faut dire que tu es connaisseuse de la chose, c’est même pour cette raison que tu as fini par embrasser la vie nocturne.
Ton deuil n’était pas fini mais il fallait tout de même vivre, et où de mieux que derrière ces lourdes portes surplombées de ce néon rose que tu hais presque autant que tu l’aimes ? L’épidémie a frappé comme à l’aveugle, et en deux semaines tout était fini. Au Succubus, tout le monde avait perdu quelqu’un. Un proche, un ami, un amant. Voir tous ces visages d’ordinaire rayonnant d’un éclat unique tout à coup ternis par la peine ne t’a pas rassurée, mais ça t’a au moins fait te sentir moins seule, au moins pour un temps. Quelques semaines plus tard, la couleur revenait peu à peu sur les joues, et les sourires sur les visages, et tu as commencé à sentir à nouveau le poids de la perte peser sur tes épaules.
Il faut tout de même dire que tu ressasses. Dès que tu as un moment de libre, les souvenir t’assaillent et tes sens te trahissent ; habiter dans le studio de ton amie décédée n’aide pas, il faut le dire aussi. Mais tu n’as jamais pu te résoudre à quitter cet endroit définitivement.

Quand on meurt, il ne reste rien de nous, si ce n’est la mémoire. Dès lors que la mémoire s’étiole, on disparaît, et ce dans une fatale indifférence. Toi et Carmen étiez proches, peut-être plus que quiconque, tu l’aurais juré à n’importe qui. Elle était devenue une partie de toi, et toi une partie d’elle, si bien que vous ne pouviez plus concevoir l’existence de l’une sans l’autre. C’est encore ton cas aujourd’hui et c’est pour cela que tu veux tout faire pour préserver sa mémoire comme une vive entaille que l’on refuse de voir cicatriser. C’est douloureux, mais tant que tu saignes, tu vis.

Tu viens à peine de terminer un chapitre de ton livre du moment lorsque la sonnette retentit dans le studio et te fait sursauter. Ton cœur ne bat plus et tu n’as plus aucun besoin de respirer, et c’est un sentiment qui t’est encore assez étrange de te rendre compte de cela lorsque tes souvenirs t’indiquent que ton palpitant devrait s’être affolé. Mais on s’y fait avec le temps.
Cependant, personne ne vient jamais te rendre visite ici, et encore moins à l’improviste. Tu ne te sens pas en danger, mais tu n’aimes pas vraiment envisager les raisons pour lesquelles cette sonnette a été actionnée. A contrecœur, tu te lèves alors pour aller ouvrir la porte. Un coup d’œil à travers le judas par principe, juste pour confirmer que tu ne connais pas la personne qui se tient derrière le battant de bois, et tu finis par l’ouvrir.
C’est donc une jeune femme, la vingtaine entamée à première vue, avec qui tu te retrouves nez à nez. Tu ne la connais pas, c’est désormais certain, et elle n’a l’air ni d’une voisine, ni d’un témoin de Jéhovah. Mais les raisons de sa présence s’éclaircirent rapidement lorsqu’elle prend la parole. Ton visage, lui, s’assombrit alors bien que tu parviennes maintenant à dissimuler la peine assez correctement.
La plupart de vos connaissances communes ont appris la nouvelle depuis des années et ont rapidement appris à garder ce nom loin de tes oreilles ; elle ne doit pas appartenir aux cercles d’immortels que tu côtoies. De manière générale, même si le temps a permis à beaucoup de panser leurs plaies intérieures, personne n’aime mentionner le fléau.

Beaucoup de questions se posent alors : qui est-elle ? D’où connaît-elle Carmen et que lui veut-elle ? Malheureusement, elles devront sans doute rester sans réponse. « Carmen n’est pas là, désolée. » Tu allais fermer la porte quand, frappée d’un éclair de logique et d’amertume, tu te rends compte qu’elle va sans doute te demander où ou comment la trouver, si elle avait une proposition à lui faire. Alors, tu anticipe sa question et, en tâchant de ne pas assombrir ta mine plus qu’elle ne l’est déjà, tu reprends la parole. « Elle… ne reviendra pas. »
En espérant qu’elle comprenne l’euphémisme. Tu n’as pas la moindre envie de devoir te répéter.



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@ Ginevra Visconti

Ginevra Visconti
CATALYSEUR
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Dim 3 Mar 2024 - 11:25
Traverser le temps sans en remarquer les effets sur sa propre personne ne serait pas si ardu si le reste du monde ne changeait pas aussi drastiquement après un simple battement de cil. La notion même du temps devenait flou lorsque les années défilaient sans que l’on ne s’en rende compte. La mortalité de l’humanité avait toujours été un facteur crucial pour sa propre évolution. Accomplir le plus possible en un temps limité mais inconnu avait toujours poussé les humains en avant. Lorsque la mortalité n’était plus au centre de la vie, tout était moins urgent et prendre le temps n’était plus vraiment un luxe, mais une habitude. A quoi bon se presser lorsqu’il n’y a aucune fin envisageable à l’horizon ? Ginevra avait parfois cette soudaine envie de prendre le temps de tout. De prendre le temps de faire son thé le matin, de passer un temps fou dans sa cuisine ou dans la forêt juste parce qu’elle en avait la possibilité. Pourquoi se presser après tout ? Elle n’avait fait aucun progrès en 200 ans, une année de plus ou de moins…

La réalité la rattrapait parfois trop durement lorsqu’elle faisait face aux affres de la temporalité. Années après années, deuil après deuil, il était difficile de réellement se rapprocher de quelqu’un pour l’Alchimiste. A quoi bon, alors que la vie allait invariablement s’éteindre et que tout ce qu’elle avait pu ressentir deviendrait juste une épine de plus. Depuis longtemps, Ginevra s’était tenue à l’écart, rejetant amitiés et relations juste pour éviter de trop s’attacher à quelqu’un qui finirait invariablement par disparaître et la laisser avec un vide qui, même pour elle, prendrait trop de temps à combler. Carmen était une des rares personnes qu’elle pouvait qualifier d’amie, même si ce concept, pour deux immortelles, était sans doute loin de celui considéré par le reste de l’humanité. Elle n’avait jamais pensé qu’elle aurait à entendre les mots sortis de la bouche de la jeune femme face à elle.

Elle resta interdite un instant, hébétée par une vérité qui sonnait pourtant si faux à ses oreilles. Carmen n’était pas supposée partir. Elle était supposée s’être affranchie du temps et du coût de ce dernier. Elle aurait dû être là, avec son sourire si naturel et sa grâce éthérée qui agaçaient parfois Ginevra. Au lieu de ça, un visage inconnu, rongé par le deuil et des milliers de question qui donnèrent le tournis à l’Alchimiste. C’était rare que sa perception des choses soit soudainement mise à mal. Elle pensait que Carmen filerait à travers les âges de la même façon qu’elle-même l’avait fait. Pourtant, elle avait fini, elle aussi, par disparaître et cette réalisation fit remonter des émotions que Ginevra pensait ne plus avoir à supporter un jour.

- Ce n’est pas possible, elle…

Elle le savait pourtant, que les vampires n’avaient rien d’immortels. Pas vraiment. Tellement de faiblesses pouvant mener à leur mort par la main de quelqu’un ou simplement parce que le soleil se levait un peu plus tôt ce jour-là. Mais Carmen était intelligente, elle n’aurait pas laissé une telle erreur se produire. Avait-elle des ennemis ? L’Alchimiste ne s’intéressait nullement à la politique, qu’elle soit humaine, magique ou vampirique. Rivalités et conflits pour le pouvoir lui semblaient aussi dérisoire qu’inutile au vu de sa mission. Elle avait vu le monde s’embraser pour des idéologies et leurs contraires, pour le pouvoir ou simplement par la folie d’une personne menant une foule vers le sentier de la haine et de la destruction. Et chaque conflit avait renforcé l’objet de sa mission : personne ne devait connaître l’existence de la Pierre.

Et Carmen, dans tout ça ? Ginevra observa la jeune femme qui se trouvait face à elle. Vampire, à n’en pas douter, ou proche de l’être. Elle n’imaginait pas Carmen partager son appartement avec une humaine au vu des risques. Pour elle, comme pour l’humaine en question. Les vampires étaient tous paranoïaques, à divers degrés. Carmen ne faisait pas, exception à la règle. Naturel, quand un simple rideau mal tiré pouvait annihiler son existence. Elle espérait que ce n’était pas une erreur aussi grotesque qui avait emporté son amie. Elle voulait savoir comment, elle voulait savoir pourquoi. Comment était-elle morte ? Et pourquoi lui avait-il fallu cinq ans pour le savoir ?

- Comment… Que s’est-il passé ?

Elle avait besoin de réponses, ici et maintenant. Depuis combien de temps conservait-elle l’adresse d’une personne qui n’existait plus ? Combien d’années de retard avait-elle ? Aurait-elle pu faire quelque chose ? Cette idée lui laissa une très désagréable sensation dans la poitrine.
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@ Jade Fletcher

Jade Fletcher
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Mar 12 Mar 2024 - 0:27

The Price of Time

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Le déni est un luxe, et tu as perdu ce privilège depuis bien longtemps maintenant ; cette inconnue t’en fait l’amer rappel.
Vampire encore nouvelle, tu n’as pas encore vu défiler assez d’années et d’époques pour que ton esprit d’humaine ait pris la pleine mesure de ce que signifie d’être figée dans le temps. Quand on sait que l’on survivra tous les mortels à qui l’on s’attache, on choisit de ne plus s’attacher qu’à sa propre espèce. L’Humain devient alors plus un objet de curiosité qu’autre chose ; une lubie de laquelle on profite pleinement avant de la quitter sans attendre que ce soit elle qui nous quitte.
A moins que l’on apprenne à accepter que les choses sont éphémères et qu’elles sont belles justement parce qu’on peut en voir la fin. Après tout, personne ne quitte une salle de cinéma sous prétexte que l’on voudrait être maître de ses derniers souvenirs de la projection.
Tu n’as pas encore fait ton choix à ce sujet, et à vrai dire tu ne sais même pas si tu dois en faire un. Tu as peur qu’aussi matériellement inconséquent soit-il, trancher ce dilemme soit une action irréversible.

En tous cas, Carmen avait choisi ; et elle t’avait choisie toi. La troisième option, celle qui s’affranchit de la fatalité des deux autres. Parfois, tu te demandes aussi si pour perpétuer ton héritage, tu ne devrais pas faire comme elle : t’enticher d’une âme humaine et lui offrir une éternité à tes côtés. La réalité te rattrape toujours rapidement, cependant. La culpabilité aussi. La plaie est encore trop vive, malgré que tes larmes aient séché contre tes joues. On y trouve encore les trainées de sel qu’elles ont laissé sur leur chemin.

« Ouais, j’ai dit la même chose, » proféras-tu cyniquement tandis que dans la tête de l’inconnue, les questions commençaient sans le moindre doute à se multiplier. Dans un coin de ta mémoire, le fantasme de la voix de ta bien-aimée te reprend avec une douceur acidulée. Souvent, tu regardes les vidéos que tu as de vous pour ne pas oublier le timbre de sa voix et le soleil de son accent encore marqué par son enfance brésilienne. Un sourire bleu s’esquissa un instant au coin de tes lèvres en imaginant son regard réprobateur au-dessus de ton épaule.
Durant les quelques secondes suivantes, empruntes d’un silence lourd comme le plomb, tu toises une nouvelle fois la jeune femme. Enfin, est-elle vraiment si jeune ? Elle n’a pas l’air d’avoir plus que ton âge ; si elle était une connaissance récente de Carmen, tu la connaîtrais déjà.
Une congénère, alors ? Tu en doutes, tu ne ressens pas autour d’elle la même énergie qu’avec les autres. Et surtout, quel genre de vampire apporterait une bouteille de vin à une autre ? Pourtant, tu reconnais assez fidèlement dans ses prochaines paroles la verve des longues-vies ; ceux qui ont pris le parti de ne plus rien attendre et qui, lorsque l’occasion vient enfin de demander, s’attendent à un retour sur investissement immédiat. Ils sont assez nombreux dans le genre, dans le Cercle, ces pseudo-nihilistes.

Mais malgré tout, sa question t’éclaire. Ou du moins, elle éteint quelques interrogations. Tu prends quelques secondes à nouveau, le temps de mettre de côté ton mal de cœur.
« Alors tu ne sais vraiment rien ? » Un soupir t’échappe malgré que tu n’aies plus besoin de remplir tes poumons depuis bientôt sept ans, et tu te décales de l’encadrement de la porte pour révéler un peu plus l’intérieur du studio, invitation tacite à y pénétrer. Après tout, vous allez avoir quelques explications à vous donner.

Sans prendre la peine de lui faire visiter, ou même de lui dire de fermer la porte, tu te diriges dans la cuisine pour attraper un unique verre à fin. Une fine couche de poussière s’est déposée sur le ballon et tu entreprends de l’épousseter brièvement avant de venir le déposer sur la table en bois clair qui trône au milieu de l’appartement. « Je vais pas faire semblant, hein, » finis-tu par lâcher en tirant une des chaises pour t’y asseoir.
Dans une sorte de réflexe de fatigue anticipée, tu te pinces l’arrête du nez avant de reprendre. « Ca fera six ans en avril. L’épidémie a décimé les deux tiers des vampires de la ville. Non, du continent. Personne n’a rien vu venir, et personne n’a rien pu faire. En deux semaines c’était fini, et personne n’a la moindre… tu retiens un juron entre tes dents. Personne n’a la moindre idée de comment ça s’est propagé, et encore moins de pourquoi on est un tiers à être encore en vie. Enfin, tu m’as comprise. » Tu pensais qu’en prenant ton petit air détaché et cynique ça ferait moins mal d’en parler, pas vrai ? Dommage, mais c’était bien essayé. Même le fantôme que tu t’imagines rôder à tes côtés en permanence ne peut te jeter qu’un regard désolé, bien conscient que tu fais tout ce que tu peux pour dépasser l’évènement que tu viens de décrire.


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@ Ginevra Visconti

Ginevra Visconti
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Lun 25 Mar 2024 - 11:04
L’ignorance est le pire de tous les maux, avait un jour dit quelqu’un qui n’y connaissait probablement pas grand-chose à quoi que ce soit. Ginevra avait pour habitude d’étudier et apprendre les choses qu’elle ne connaissait pas. Pas forcément pour savoir tout, tout le temps, mais surtout pour occuper son esprit avec autre chose que la pierre qui lui résistait encore. Les vampires était une des rares choses qu’elle n’avait jamais vraiment étudiés. Pas par indifférence, mais parce que se renseigner sur les vampires, c’était plonger dans leur monde et que l’Alchimiste n’avait nullement envie d’attirer l’attention de créatures immortelles trop ambitieuses pour leur propre bien. Carmen, au-delà d’être une vampire, était une connaissance avait qui elle partageait un intérêt commun pour l’art et pour les discussion sur les aspects les plus difficiles de l’immortalité. Ça s’arrêtait là et c’était très bien comme ça.

L’annonce de sa mort par une totales inconnue avait secoué l’italienne. Bien plus qu’elle ne l’avouerait jamais. Le temps défilait différemment quand la vie n’avait plus de fin et il ne lui était pas venu à l’esprit que quelques années suffiraient pour avoir raison de l’immortelle. Vision faussée, elle en avait conscience maintenant. Et désormais, elle voulait comprendre. Elle voulait savoir pourquoi et comment elle avait quitté cette terre pour de bon, corps et âme. Elle suivit donc la vampire à l’intérieur de son habitat sans même une once d’hésitation. Elle ne craignait pas vraiment une vampire seule, si cette dernière avait des intentions différentes que celles qu’elle lui prêtait. Elle en doutait, mais il valait mieux re prête à tout contre ces créatures portées par la faim et l’ambition. Elle déposa la bouteille de vin sur la table sans l’ouvrir, n’ayant pas vraiment l’envie d’ouvrir une bouteille pour la boire seule, et s’adossa à la table, écoutant sans mot dire les explications offertes.

Une épidémie… Et Carmen était loin d’être une victime isolée… Elle venait à peine d’arriver à l’époque et était plus occupée par ses recherches et son installation que tout autre chose. Pas étonnant que   cela lui ait échappé pendant aussi longtemps. Elle n’était pas encore consultante à la FSV à l’époque, ce qui explique sans mal qu’elle n’ait pas eu l’information. Tout de même, c’était intriguant. Quel genre d’épidémie pouvait emporter ainsi autant de vampires sans que personne, visiblement, ne sache d’où elle venait et comment la contrer. Et elle avait disparu aussi vite qu’elle était apparu. L’Alchimiste se fit pensive. Une telle chose était inédite. Ou du moins pour elle. Elle n’avait jamais entendu parler d’une telle chose malgré tous ses voyages et toutes ses recherches.

- Je ne savais pas une telle chose possible… Je pensais les vampires immunisés aux maladies.

Elle observa la jeune femme figée dans le temps face à elle. Les vampires avaient un don pour cacher leurs émotions, leurs sentiments. Mais cela prenait un peu de temps et d’expérience et, visiblement celle-ci n’était pas encore assez vieille pour avoir un masque parfaitement lisse et vide de toute expression. Si sa voix n’était pas chevrotante et parvenait à donner le change, la tension dans sa mâchoire et la posture abattue renseigna suffisamment Ginevra. Elle avait sans doute vu juste sur la relation de Carmen.

- Navrée d’avoir fait ressurgir de douloureux souvenirs, ce n’était pas mon intention.

Elle s’était faite plus douce, l’espace d’un instant. Inutile d’infliger plus de souffrance à cette jeune ( ?) vampire. Elle prit cependant le temps de poser les yeux sur une des toiles qui étaient bien en évidence dans le studio. La peinture avait séché depuis longtemps malgré l’évident travail inachevé, mais aucune poussière ne la recouvrait. Et il était évident que Carmen en avait été à l’origine, sinon pourquoi le tableau serait encore là malgré le fait qu’il soit inachevé ? L’italienne ne s’y connaissait pas suffisamment en art pour deviner que les traits de pinceaux appartenaient à l’Immortelle, mais c’était la déduction la plus logique. Elle soupira avant de s’écarter de la table en remontant les pans de son manteau.

- Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. J’imagine que vous avez mieux à faire de votre nuit.

Et elle avait aussi des choses à faire. Comme se renseigner sur cette fameuse épidémie. Si une telle chose arrivait à venir à bout de créatures immortelles, peut-être qu’elle tenait là un élément crucial qui permettrait de détruire la Pierre. La piste était là, fragile et ténue, certes, mais tout de même présente. Et c’était mieux que rien, au vu de l’avancée presque nulle de ses recherches, ces dernières années. Elle stagnait et ses crises d’absences devenaient de plus en plus handicapantes. Une nouvelle piste allait relancer la machine avec plus de vigueur, elle en avait bien besoin. Elle tira un petit calepin de son manteau et y inscrivit son nom et son numéro avant de tendre le tout à sa brève hôtesse.

- Voilà mes coordonnés. Si jamais quelque chose vous vient à propos de cette épidémie, n’hésitez pas à me contacter, je vais me permettre d’étudier la question.

Elle devait sans doute paraître un peu froide à la jeune inconnue, mais elle n’avait pas vraiment de raisons de rester, maintenant que Carmen, la raison de sa venue, n’était plus. Au moins avait-elle obtenue une piste et, qui sait, peut-être que cela allait aboutir à quelque chose ou qu’elle allait trouver l’origine de la maladie. Elle devait quand même trouver un artiste capable de restaurer sa toile, ceci dit… cette perspective ne l’enchantait guère.
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